
Le premier cours: source de stress
Si n'importe quelle rentrée est souvent un moment stressant pour beaucoup d'enseignants, la première rentrée en tant que stagiaire est probablement le moment le plus anxyogène de toute la carrière d'un enseignant. Comme tout évènement marquant, il s'accompagne d'adrénaline...Et c'est tout à fait normal!
Sans vouloir sacraliser à outrance ce moment, force est de constater que la première prise de contact est un moment qui reste capital...car elle donne le ton du début d'année. "Que faire? Que dire? Que porter?"sont autant de questions qu'il est légitime de se poser...attention à bien hérarchiser les questions qui nous passent par la tête.
Avant d'apporter des éléments de réponse, je souhaiterais vous mettre d'emblée en garde contre le discours de tous ceux qui vous diront que si un premier cours ne marche pas avec une classe eh bien que c'est fichu pour l'année! NON NON et NON...Vous pourrez tomber sur des classes avec lesquelles le courant ne prendra pas au premier coup, pire encore vous pourrez tomber sur des élèments qui vous électriseront votre première séance et chercheront à vous défier...Ce n'est pas grave, la bataille n'est pas perdue d'avance et quand elle sera gagnée ce sera d'autant plus valorisant pour nous...(cf problème gestion de classe).
En ce qui concerne le premier contact, pour ma part, je commence toujours par un petit jeu de présentation en espagnol...Pour pouvoir me présenter et connaitre d'emblée mes élèves. Je précise bien en espagnol et, ce, quelque soit le niveau...Sur 55 minutes, 45 minutes se font en espagnol...On a dit que le premier cours donnait le ton, autant les faire adhérer au pacte suivant: en cours d'espagnol on passe la "frontière virtuelle" y que "cambiamos el chip ". Les 10 dernières minutes me servent à exprimer, en français, mes attentes et exigences.
Le premier cours: proposer une activité
Pour ce qui est des présentations, je vous propose deux activités que j'ai testées:
1) A l'aide d'une balle en mousse (ou une boule de papier) que je lance à un élève après lui avoir dit "soy el Señor El Azhar y me gusta viajar"... L'élève doit se présenter à son tour puis choisir un autre élève dans la classe à qui il demandera de faire la même chose...L'enseignant n'est donc que l'initiateur et s'efface au fur et à mesure puisque que la parole circule selon le bon vouloir des élèves.
N.B: Attention ceci ne marche qu'avec des classes peu agitées...Sans avoir de préjugé sur les classes que vous aurez, il est bon de connaitre le profil de la classe dont vous aurez la charge. Si vous ne l'avez pas fait, vous le verrez à leur manière de rentrer en classe (cf gestion de classe). Attention également à faire en sorte que les élèves non interrogés le soient...Les adolescents ont une tendance à exclure certains élèves qui ne répondent pas à leurs critères: vestimentaires, apparences, assurance...
2) La deuxième activité que je propose demande plus de préparation, mais en théorie les semaines avant notre première rentrée nous servent à nous préparer, lorsque l'on connait notre affectation bien entendu...Un peu de découpage sera nécessaire.
En fonction de la séquence que nous allons aborder, je demande, lors de l'appel, à chaque élève de venir au bureau prendre une photo...Chaque élève aura donc une image mais devra aller retrouver l'élève qui aura le double et s'assoir à ses cotés...Cela crée un peu de mouvement mais permet d'avoir un premier plan de classe créé au hasard...Eh non, on ne va pas s'assoir à coté de son copain ou de sa copine...
Une fois que tout le monde a trouvé son partenaire, je leur laisse 5 minutes pour obtenir les réponses aux questions que j'écris au tableau: " ¿Cómo se llama tu compañer@? ¿Qué le gusta? ¿Qué odia?". Les élèves devront ensuite présenter leur voisin/e à l'ensemble de classe.
N.B: l'intérêt de cette entrée en matière réside dans le fait de faire participer les élèves les plus timides. En effet, il est très difficile pour eux de s'enfermer dans un mutisme et de refuser de participer puisqu'il doivent non pas parler d'eux au prof mais de leur voisin à la classe...Ils se sentent comme obligés de faire cet effort pour l'autre. Je n'ai pour le moment jamais eu le cas d'un élève qui refuse de se préter au jeu, cela doit donc bien marcher...
Pour boucler ma première heure, une fois le tour de classe terminé, je leur demande de me parler de leur image et ensemble nous dégageons le thème de la première séquence. Ce qui m'amène à leur parler de mon fonctionnement: tenue du cahier, travail en séquences et projets, transparence des évaluations...
Attention: Vous doutez bien qu'au bout du 10° binome, les bavardages commencent...Eh bien c'est pour moi le moment d'introduire ma première exigence: LE RESPECT...Cela commence par l'ECOUTE.
J'aime ces deux approches qui me permettent de découvrir des choses de mes élèves: entre celui qui aime le rock, celui qui fait du foot, celle qui dance du moderne jazz, celle qui chante ou celui qui rape ou aime la lecture...j'en apprends énormement grâce à ce premier contact. En bon "profiler" je sais détecter les différentes personnalités et profils avec lesquels je vais devoir créer un groupe: l'introverti, le rigolo, le bilingue, celui qui n'a jamais fait d'espagnol...
Le premier cours: quel écueil à éviter?
Certains enseignants optent pour des pratiques plus "martiales" et pendant une heure font le listing de leurs exigences et insistent sur ce qu'il faut faire en cours d'espagnol (qui revient en réalité à faire une liste d'interdit...).
Ce n'est pas ma vision et je dirais même qu'il s'agit là d'un écueil dans lequel il ne faut pas tomber. Donner une liste d'interdit à des adolescents c'est comme donner le bâton pour se faire battre.
Parce qu'on manque souvent d'assurance en tant que stagiaire, le mode de l'auto-défense est la posture la plus naturelle...Or, il faut tacher de sortir de cette logique. Il existe d'autres procédés pour assoir son autorité. Les adolescents détestent les abus d'autoritarisme et vous le feront ressentir tôt ou tard. Mieux vaut ne pas faire de la salle de classe une arène...Les lions finiront pas vous avoir à l'usure.
Pas question de se montrer laxiste pour autant...L'important est de se montrer juste et surtout ne pas oublier que "dire c'est faire". Il est donc, à mon sens, plus préférable de cibler 2 ou 3 exigences de travail sur lesquelles on insiste plutôt que de donner une chartre à faire signer par l'élève et sa famille...Qui donne lieu parfois à des réponses perplexes des familles qui vous mettent en porte-à-faux.
Le premier cours n'est finalement qu'un premier cours...
Un conseil que j'ajouterais: garder secret son statut de stagiaire. Rien ne sert de leur dire...Pour l'anecdote, un collègue, avant mon premier cours, m'avait glissé à l'oreille une phrase qui m'a servie: "dis leur "j'ai l'habitude de travailler avec un cahier"...Ce genre de phrases, dites avec conviction, permettent bel et bien de préserver le secret, ou au moins quelques temps.
Les 10 dernières minutes, j'insiste sur la valeur de respect mutuel (entre moi et eux mais surtout entre eux) et sur l'importance de leur implication en classe, clé de leur réussite...Des banalités certes, mais qu'il est bon d'expliciter parce qu'elles permettent de créer rapidement un climat de confiance. En se montrant garant du respect et en autorisant le droit à l'erreur qui est nécessaire au processus d'apprentissage, l'enseignant se montre dès les premiers instants bienveillant et rassurant. Un cours de langue repose sur leurs interventions...pour cela nous avons d'autant plus besoin de leur confiance!
En classe de cinquième je leur dis que " travail peut rimer avec plaisir" et qu'on a "le droit à l'erreur", en classe de seconde que cette année peut être pour tous une "seconde chance" et qu'il n'est pas trop tard pour se mettre au travail. Ce genre de parole peut être un début de remède pour lutter contre les a priori sur la matière ou le manque d'appétence au travail de certains.
Finalement, souvent en tant que stagiaire, on est jeune...La jeunesse est souvent considérée comme un handicap dans notre métier...à tort! Transformez cette idée en force. La proximité générationnelle doit être un atout car la clé d'un bon premier cours selon moi est de montrer de l'intéret pour nos élèves, qui nous montrerons à leur tour de l'intérêt pour la discipline que nous leur enseignons. S'ils ont parlé, se sont écoutés alors vous pouvez être satisfaits: mission accomplie! Cela ne demande peut-être pas autant d'expérience que vous ne le pensez mais juste d'adopter la bonne posture et de croire en votre capacité à être devant un groupe...
¡Suerte!